Etude d'un poème

          Smile
          Extrait des " Histoires et Poèmes de Mag "


1......Tu ris pour ne plus y songer,
2......A ce frère si adoré.
3......Tu ressens cette séparation
4......Comme une vraie amputation.

5......Ris si ça peut vraiment t'aider,
6......A moins penser, à oublier
7......Que la mémoire de papa
8......File plus vite que Senna.

9......Tu ris pour combler ce grand vide
10.....Laissé par tes êtres aimés,
11.....Que Dieu a pris à ses côtés.

12.....Ris si ça peut te soulager
13.....Ne te soucie pas des autres, ceux
14.....Qui te l'ont souvent reproché.





Structure du poème et éléments de sens

      
  • Smile est un sonnet car il est composé de deux quatrains (strophes de quatre vers) et de deux tercets (strophe de trois vers).

          L'agencement des rimes répond également à la disposition tonale classique du sonnet.
          Sur les deux premières strophes les rimes sont suivies (de type AABB).
          Il s'agit de rimes en "é" principalement, les seules à être reprises sur l'ensemble du poème et que l'on retrouve en binômes sur chacune des strophes.
          Dans un premier temps, les rimes s'enchaînent directement deux par deux. La douleur de la séparation et de la perte est exprimée de façon très prégnante dans les premiers passages.
          Les tercets introduisent avec eux des rimes orphelines, sans répondant, qui ont pour effet de rompre la symétrie tonale du poème (voir les vers 9 & 13).
          Des rimes de forme CAA (une rime orpheline et deux rimes suivies) apparaissent en effet sur l'avant dernière strophe, alors que parallèlement le sens du vers 9 évoque le manque, "ce grand vide" à combler.
          Dieu est évoqué en fin de strophe.
          L'association réciproque des sons disparaît également en partie sur la dernière strophe. Les rimes sont croisées ou orpheline (ADA). Le vers 13 dont la rime ne répond à aucune autre pareille présente par ailleurs une coupe principale, fortement marquée, déportée en fin de vers, vers "ceux...". Ce vers témoigne d'un certain détachement par rapport à la norme alentours alors qu'une certaine liberté est prise également à l'égard du jugement des autres qui reprochent. D'un point de vue métrique, il s'agit d'un contre-rejet.

          Le contre-rejet est un enjambement. Plusieurs autres enjambements sont repérables tout au long du poème : les phrases se poursuivent régulièrement d'un vers à l'autre. Elle s'étendent d'ailleurs le plus souvent sur l'ensemble des strophes, mis à part pour la seconde strophe qui elle comporte deux phrases parmi ses quatre vers.

          Les vers sont des octosyllabes et, parmi eux, une franche césure soulignée par une virgule puis par une rime intérieure à l'hémistiche, sépare le vers 6 en deux parties égales, construites de verbes opposés ("penser" ; "oublier"), intimement liés aux souvenirs.

          Les champs sémantiques utilisés sont principalement ceux de l'amour et du manque ("frère adoré", "êtres aimés", "Dieu" // "séparation", "amputation", "combler ce grand vide").
          Les registres de la mémoire et de l'oubli sont également soulignés ("songer", "penser", "mémoire", "oublier") en tant qu'ils constituent la source de profonds tourments.
          Puis, le thème du sourire, enfin - "Smile" - se dégage du titre, avec celui du rire.
          Le rire revient à plusieurs reprises dans le sens d'un possible soutien et d'un espoir face à la souffrance.
          Smile propose de se laisser porter par le rire malgré les reproches et les qu'en dira-t-on, afin de combler l'absence et d'alléger la peine.
          L'évocation d'un soutien est part ailleurs soulevée à plusieurs reprises ("t'aider", "pris à ses côtés", "te soulager").

          
  • Différentes figures de style se trouvent sous les liens du poème :

          Smile débute sa course sur une anaphore retrouvée un peu plus loin au commencement de la 3e strophe. En fait, chaque strophe commence par l'une ou l'autre des anaphores du poème : Des reprises construites sur le thème du rire toujours ("Tu ris" ; "Ris si ça peut"). Ces figures de répétition confèrent au poème une parfaite symétrie au regard de la découpe des strophes. Le recours au rire va ici dans le sens d'un dérivatif, une sorte de voie de secours pour remédier, s'il se peut, à la souffrance de la perte des êtres aimés. L'auteur y fait référence comme s'il s'agissait d'un droit anciennement proscrit : Droit de rire désormais permis et dés lors pleinement accordé voire exagéré, pour compenser les interdits passés.

          Une comparaison apparaît peu après [v.3]. Elle rapproche le plan psychologique au registre physique. Elle traduit l'affection au sens du corporel et témoigne ainsi de la "séparation" comme d'une véritable "amputation".

           Le vers 3 présente par ailleurs une allitération en "s" _ "Tu ressens cette séparation" _ qui marque le fait de l'absence et insiste sur le ressenti de la séparation.

          Entre l'antithèse et la gradation, le 6e vers nous porte d'un extrême à l'autre des portes de l'esprit. De "moins penser" à "oublier", la césure centrale vient souligner le contraste d'un paradoxe qui se profile ainsi que le poids de la souffrance à se souvenir.

          L'image de la mémoire prise de vitesse révèle ensuite une métaphore qui illustre et met en évidence le paradoxe de l'oubli. Des souvenirs douloureux font retour, se bousculent et cherchent à se libérer du poids de leur souvenir, ils luttent pour oublier que la mémoire se perd à toute allure et qu'elle nous perd avec elle.

          Une seconde métaphore est repérable sur le onzième vers. Elle transfère la réalité humaine au monde du divin. Il s'agit par conséquent également d'une personnification à partir de laquelle Dieu revêt le caractère protecteur d'un être humain.

          Le poème s'adresse à toi. Toi qui te reconnaîtra dans ce sourire. Smile est un poème réfléchi, à l'image de soi, qui témoigne du caractère commun de nos sentiments, de nos états d'âme et de nos réactions à l'affection, à l'amour, la mort, face à la perte, la vie et le sourire.
          Il nous permet le rire parfois inquiétant. Il nous permet la vie, tout simplement.